Nous avons vu dans deux expositions précédentes les marques pharmaceutiques déposées entre 1857 et 1920, associées à Notre-Dame de Lourdes d’une part, et au Champagne, d’autre part. Nous allons nous intéresser ici aux marques associées au sport, qui ont été très nombreuses sur cette période et surtout à la fin du XIXe siècle.
Il y a eu tout d’abord toute une série de dépôt de marque en 1892. Le premier déposant fut un pharmacien d’Arras, Charles Bureau fils, suivi le lendemain 16 juin par plusieurs dépôts de Tenaud pour la Société Thubaudier et Tenaud créée par deux pharmaciens à Nantes. Il s’agit de la marque Kola-Sports et de la Fine Champagne à base de Kola.
On peut lire que leurs produits sont destinés aux militaires, vélocipédistes, chasseurs, canotiers, alpinistes, etc., et combattent la fatigue. Très rapidement, d’autres marques sont déposées par un pharmacien de Paris, E. Renard : le « Baume des Sportmen » et le « Sportmen Kola. » Il faut se rappeler que le vélo devient très à la mode dans cette fin de XIXe siècle et que les termes vélocipédistes et velocemen sont alors couramment utilisés plutôt que cyclistes. Ernest Théotime Renard (1855-1922) était pharmacien de 1ère classe, installé à l’époque au 7 rue de Passy.
Pour le Baume de sportsmen, Renard précise à son tour qu’il est indispensable aux velocemens, militaires, touristes, chasseurs et tous amateurs de Sport, pour entretenir la souplesse des muscles, éviter la fatigue, prévenir et guérir les ampoules, inflammations et blessures causées par tous les exercices du corps. Un autre pharmacien parisien, Bengué, installé 34 rue La Bruyère, dépose la marque « Kola Cycle » en 1893. La même année, le fameux Ange François Mariani (1838-1914) sort aussi le « VeloCoca Mariani ».
Mariani était alors installé 41 boulevard Haussmann à Paris. Son produit est « spécialement préparé pour les Vélocipédistes ». En 1894, un autre pharmacien parisien, Etienne Auguste Alphonse Debonnaire (1838-1908), installé rue du Faubourg Saint-Honoré, prend la marque « Elixir des Cyclistes » à la Kobalamine DEB (tanin de la noix de kola).
Il indique sur cette marque que « cet élixir préserve de la fatigue musculaire, supprime l’essoufflement dans la marche, évite la soif et modère la sudation. il est indispensable aux cyclistes, gymnastes et tous sportistes (sic) auxquels il permet un rendement de travail élevé sans sensation de faiblesse. « Il recommande d’en prendre avant la course et toutes les 2 à 3 heures ensuite.
Toujours en 1894, plusieurs marques seront déposées en relation avec le sport: le pharmaciens Louis-Jules Desmolines, d’Angerville (S&O) dépose « Sportmans liqueur ». Auguste Chopolat, pharmacien à Paris, quant à lui dépose 4 marques différentes : « Dragées Sport », « pansement du cycliste », « pansement du Bicycliste »et pansement du vélocipédiste »
L’année 1894 est décidément une bonne année pour les marques : Antoine Nalin, de Marseille dépose « Vélocemen’s embrocation » et Recorman Peptone Kola. La même année, Douglas Hogg, le pharmacien parisien que nous avons déjà vu déposer des médicaments à base de Champagne, dépose le « Maté-Cycle Douglas » et le « Maté Champagne Douglas », deux produits destinés aux cyclistes. Le Maté-Cycle est un aliment de route pour eux (A nutritive essence for Cyclists). il faut en boire une gorgée (environ deux Cuillerées à café). Il « combat la fatigue et remplace temporairement les aliments »
En 1895, les dépôts de marques se poursuivent : un certain Etienne Bruneau, de Issy-les-Moulineaux, prend la marque Poudre des cyclistes, sans plus de précision. Etienne Bruneau, né en 1847, avait été diplômé en juillet 1880.
Vial et Cie, de Puteaux, déposent aussi une grande série de marques : « Vélo-embrocation », « Nautique-embrocation », « escrime-embrocation », « gymnase-embrocation », « Omnium-embrocation », Cycle-embrocation », « Omnium-friction ».
L’année 1895 se termine avec trois nouveaux dépôts : la Pharmacie Centrale de France dépose « Cyclo-trousse », une trousse de secours pour vélo avec les médicaments de premiers secours ; le docteur Delcroix protège le terme « Cyclist-embrocation du docteur A. de Campigneules »;
et l’étudiant en pharmacie de Nice, Couvin Libéral, dépose le « Baume Libéral ou Baume du vélocipédiste à l’acéto térébène, hygiènique, fortifiant, infaillible » !
L’année 1896 voit apparaître trois nouvelles marques : un pharmacien de 1ère classe de Calais, Alphonse Quaghebeur, dépose « Cyclonerf Calaisien de la pharmacie Moderne ». Il s’agit d’une « préparation énergétique, dépourvue de toute action caustique ; elle s’infiltre directement dans les muscles qu’elle retrempe; assouplit les articulations ; rafraîchit le corps, tout en l’imprégnant de son parfum vivifiant ». Adolphe Gaffard, pharmacien à Boulogne sur mer revendique « Pousse-vélo » et Alfred Moyet, pharmacien à Lyon « CycloKola ». Ce dernier est un « élixir d’entraînement pour vélocipédiste, marcheurs, touristes, alpinistes, etc. Prévient la fatigue et la faim : Combat l’essoufflement »
Le XIXe siècle se termine avec la marque « Kola Bicyclette » déposée« par la Pharmacie Centrale de France, par le Quinquina Jacquemin et par le « Rischof Sport » déposé par un distillateur de Limoges, André Delor.
Le XXe siècle n’arrête pas l’imagination des créateurs de marques associées au sport et au vélo ! Ulysse Rondin, pharmacien à Puteaux, dépose le « Vélo-trousse » en 1902 et Soulier, pharmacien à Paris dépose deux marques la même année : « Cyclistine » et « Cyclist ».
En 1903, le distillateur Etienne Brunier lance « Gym Kina » et Lucien Favier, de Paris « Embrofa » en 1904. Ce produit est « employé avec le plus grand succès par les cyclistes, acrobates, coureurs à pied, lutteurs et tous les sport’men… L’Embrofa fortifie, assouplit les muscles et facilite la respiration de la peau. NOTA : guérit foulures, entorses, contusions, rhumatismes ».
La même année, le pharmacien Lucien Durand, installé à Paris publie une série de marques : « Elixir du Sportsmen », « Elixir du Sportman », « Sportman’s Elixir », « Sportmen’s Elixir ». C’est également en 1904 qu’un pharmacien de Rouen, Ernest Victor Couperot, dépose le « cosmétique du coureur »
et que deux négociant de Frontignan déposent la marque « Kola-Football » (destinée à une liqueur apéritive). Pour la première fois, on évoque un autre sport que le cyclisme ! En 1904 également, un pharmacien de Vienne, Johannes Boyet, dépose la marque « Sport-Victor-Boyet » pour des bonbons à la noix fraîche de Kola, à la Coca du Pérou. Un autre pharmacien, de Tournon, Georges Brandon, dépose « Block Sport, Bloc Sport, Bloch Sport et Bloq Sport, toujours en 1904.
Les dépôts de marques se poursuivent en 1905 avec « l’Embrocation sportive » de Louis Marie Soucheyre, de Paris, la « Marathonite » de M. Prégermain, de Paris, le « Parisport » du pharmacien parisien Jules Fernand Grand.
Un coiffeur de Marseille, Ernest Armengaud, dépose la marque « Poudre du Sportman » en 1906, « souveraine pour guérir rapidement coupures et blessures.
Même si les marques sont déposées dans les produits pharmaceutiques, on y trouve aussi des produits apéritifs comme « Kola-Sport » en 1906 déposé par Henri Devaux, de Dieppe ou « Touring-Kina » de l’ingénieur Charles Achard de Draguignan(Var). En 1907, le pharmacien Ballain, de Paris, dépose des « Comprimés Sportifs ». Un autre pharmacien, Théodore Pistre, de Passage d’Agen, dépose les « Nouvelles pastilles Kola-Sport ». En 1908, Henri Riffaud, pharmacien à Paris, dépose une impressionnante liste de marques : « Dynamique des Sports, Gouttes dynamiques de Sports, Dynamique Sport, Dynamic Sport, Dynamique Sportive, Dynamique des Sportsmen,
Dynamique des amateurs de Sports, Dynamique des professionnels de Sports, Dynamique de fervents de Sports, Gouttes des Sports, Gouttes du Sport, Gouttes Sportives, Gouttes de Sportmen, Gouttes des amateurs de Sports, Gouttes des professionnels de Sports, Gouttes de fervents de Sports, Dynamo-Sports, Dyna-Sport ».
En 1908, ,A. Mace, de Troyes, négociant en vins et liqueurs associées, dépose la marque « Royal-Sport Quina » avec la mention « ce vin n’est pas un médicament ». Le pharmacien Edouard Lajalousie, de Périgueux présente en 1909 « Foot-Ball Sweets », un « puissant régénérateur, augmentant considérablement les forces vitales, indispensables à tous les sportsmen » à base de caféine et de trois plantes : Kolatier, Cannelle et Menthe poivrée. La même année sort « Le Sport » d’Octave Mauprivez-Leroy, un distillateur de Compiègne.
Plusieurs marques d’apéritifs vont sortir en 1910 et 1911 : Quiquina-Cycle, du distillateur de Paris L. Guy Grasset et Cie, St-Raphaël Quinquina-Sport, St-Raphaël Sport, Raphaël Sport, et la « Liqueur du Vélocemen » du fabriquant de produits pharmaceutiques Maurice Robin. On trouve également en 1911 « le Cycle » du distillateur de Nice A. Casiglia. En 1913 sont publiées les marques « Marathon (Tablets) » et « Marathon (Pills) » du pharmacien du Mans Arthur Pottier. Toujours en 1913, Fernand Duvallet, de Paris prend les marques « Athletic-Embrocation », « Gladiateur-Embrocation » et « Elixir-Athlétic ».
En 1914, Jules Demanet, de Marseille, dépose « Kola Sport » qu’il déposera à nouveau sous une autre forme en 1919. Par ailleurs Madame Jeanney Coutisson, épouse Espinal, de Paris, dépose « Sports-Quinquina », un apéritif au vin de Porto, en 1916, suivi la même année par « La Kola Sportive » déposée par un industriel de Nancy, Charles Jules Donders, PDG de la « SA Grande distillerie de l’Est ». Comme on peut le voir, les marques associées au sport et en particulier au cyclisme ont été très nombreuses de 1857 à 1920. Certaines n’étaient pas revendiquées pour des médicaments, mais beaucoup ont été déposées par des pharmaciens. Elles sont parfois très sobres mais souvent illustrées en couleur. On constate aussi que sont associés aux sportifs, le militaires, les touristes, les marcheurs, les alpinistes, etc.
Source des marques : INPI (Libre des droits)