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Maladies et remèdes d’Afrique. Le contexte culturel/

Masque Baoulé (Côte d’Ivoire), désigné sous le nom de Kplé. avec ces cornes arrondies évoquant l’antilope, il est considéré comme un masque masculin. C’est lors d’épidémies ou de funérailles que sa manifestation se produisait afin de se concilier les faveurs des esprits « amwin » dispensateurs de prospérité, santé ou sécurité. (Publicité Glifanan, Roussel, 1968, collection BB, av. aut)

A l’occasion du 2ème congrès international de Technologie pharmaceutiques à Paris en 1980, Monique Seiller et Dominique Duchêne, deux professeures de la Faculté de Pharmacie de Paris à Chatenay Malabry, avaient organisé (avec tout un groupe) une exposition sur ce sujet des maladies et remèdes d’Afrique noire.

Cette exposition avait à l’époque beaucoup intéressé et il est sans doute dommage de perdre le travail réalisé. D’où la reprise ici d’une partie de cette exposition en deux chapitre : 1) devins et guérisseurs, divination et sorciers ; 2) la pharmacopée africaine et les connaissances botaniques

Parmi les sources de cette exposition, les cours donnés par le gouverneur Henri Labouret à l’École nationale de la France d’outre-mer avaient fourni nombre d’informations concernant la tribu du rameau lobi en Côte d’Ivoire.

Cette exposition va se consacrer aux devins et guérisseurs. La distinction est faite presque partout entre devins et guérisseurs. Au nord Togo le devin (ouboua) était instruit dans l’art d’interpréter les signes et de lire l’avenir alors que le guérisseur (Ounjogo Dinda) reçoit une solide formation botanique.

Les guérisseurs apprenaient leur métier grâce à un guérisseur plus âgé qui lui apprenait à choisir les feuilles, racines, écorces, bois, destinés à figurer dans la composition des tisanes.

La maladie interne ne pouvant être causée que par un maléfice, le patient avait besoin d’intercesseurs capables de pratiquer l’art divinatoire. Le médecin-magicien ou féticheur est l’intermédiaire entre le patient et les esprits qui ont déterminé la maladie. Il était doué de pouvoirs surnaturels et pouvait agir sur eux. Son rôle était de les influencer dans le bon sens, ce en quoi il s’opposait au sorcier (1).

Boite à potion et pommade en bois. Son couvercle est orné d’une tête surmontée d’une coiffe à double lobes transversaux, traditionnelle Baoulé. Baoulé du Centre, République de Côte d’Ivoire. (coll. Privée, av. aut.)
Baoulé, Côte d’Ivoire, début XXe siècle (référence 1, av. aut.))

Il était chargé de combattre non seulement les puissances occultes néfastes, mais aussi les esprits insatisfaits des ennemis et des ancêtres dont la colère se manifestait par la maladie.

Il se dressait encore contre l’action maléfique des sorciers et assurait la cure des affections, qui pouvaient être dûes à l’action d’un de ces agents néfastes ou de plusieurs d’entre eux conjugués. Les services du médecin-magicien n’étaient pas gratuits. Ses émoluments étaient variables et dépendaient de son habilité. ils étaient versés lorsque le patient était guéri et c’est la famille qui jugeait de la guérison (1).

Le masque faisait partie des instruments utilisés par le médecin-magicien entre le malade et les esprits. Il est d’aspect variable, du mannequin dans lequel s’introduit l’officiant, au morceau d’écorce ou filet de cordelettes maintenus sur le visage. Le plus souvent, le masque était un lien entre les vivants et les esprits, le visible et l’invisible, car il était un instrument de métamorphose doué de pouvoirs.

Sa principale fonction était de capter la dangereuse énergie dégagée lors d’une rupture grave survenue dans le cours normal de la vie, et de permettre l’utilisation de cette énergie pour une oeuvre de protection ou de cure collective ou individuelle (1).

Masque Gere, Côte-d’Ivoire. masque de contrôle social. (Publicité Glifanan, Roussel, 1968, collection BB, av. aut.)
Masque Ba-Pende (M’Buya), Congo méridional. utilisé au cours de cérémonies rituelles d’initiation (Publicité Glifanan, Roussel, 1968, collection BB, av. aut.)

La liturgie du masque s’accompagnait souvent de danses rythmiques, voire d’un état de transe. L’identification du signe était parfois poussée au point qu’on attribuait une existence personnelle au masque qui est nourri et consulté.

Certains pouvaient même se constituer en famille de masques et disposer de serviteurs. Pour prévenir la maladie, le médecin-magicien disposait de fétiche, d’amulettes et talismans.

Le terme « fétiche » était constitué par un objet matériel quelconque ou un animal divinisé, véhicule d’un esprit, ou tout au moins doté d’une puissance surnaturelle magique. il pouvait matérialiser l’esprit du mal ou au contraire le génie guérisseur (1).

Quant aux amulettes, il s’agissait de petits objets servant de charmes contre les esprits. il pouvait s’agir d’inscriptions, de pierres, de sachets contenant les produits les plus inattendus, rognures d’ongles, insectes, râpures de crâne humain, os etc. Ces amulettes avaient un rôle prophylactique et protégeaient contre les maladies de l’organe représenté.

A l’opposé du rôle passif de l’amulette, le talisman exerce une influence magique active. il apporte le succès ou la fortune à quiconque le porte, ou il a au moins le pouvoir de repousser l’esprit malin.

Il peut être fait lui aussi d’une représentation figurée, d’un animal ou d’une formule ésotérique (1).

Poupée fétiche Namji, Cameroun. Les poupées Namji jouent un rôle majeur dans les croyances relatives à la fertilité
(Coll. privée, av.aut.).
Féticheur au Congo. Vieux chef Fiote (Vili) devant ses nkisi (fin XIXe siècle). (Coll. privée, av. aut)

Amulettes, talismans et masques ne suffisaient pas toujours à prévenir la maladie. Aussi, le rôle curatif du féticheur demeurait très important. il disposait à cet effet de différentes méthodes dont les incantations, les rites de transfert et de substitution, les moyens pharmacologiques que nous verrons ultérieurement.

Les masques, et les talismans étaient habituellement conservés dans une case à part, hors du village, gardée par des hommes initiés.

La divination. Comme nous l’avons vu les devins étaient instruits dans l’art de lire l’avenir. Les procédés de divination varient amplement à travers tout l’Afrique tropicale, mais la plupart des techniques sont basée sur le principe d’un jeu de dés que le n’ganga jette en l’air.

Après quoi, il observe de quelle façon ils sont retombés sur le sol. Il y a un certain nombre de chutes ou de combinaisons qui possèdent chacune leur sens propre.

Dans le Mashonaland, un jeu de Hakata comportent 4 dés, il s’ensuit qu’en les jetant, on peut former 16 combinaisons différentes. Avant de commencer sa divination, le médecin-magicien observe certains rites, qui doivent permettre au jouer de « voir clairement ».

Une naissance gémellaire a toujours quelque chose d’extraordinaire et chez les Yorubas, au Nigeria et au Bénin, les jumeaux sont généralement considérés comme porte-bonheur. Chacun a son nom : le premier-né, Taiye, ce qui signifie littéralement « le premier à goûter le monde » ; et le second, Kehinde ou « celui qui arrive après »
(Coll. privée, av. aut.).
Plateau de divination Yoruba du Nigéria (coll.privée av. aut.). Les gravures de la bordure de « l’opon Ifá » ne sont pas seulement ornementales mais aussi fonctionnelles. Elles servent à diviser le périmètre en neuf parties différentes associées chacune à une signification symbolique. Chaque partie porte le nom de l’un des fameux neuf devins antiques

On voit ici un plateau divinatoire Yoruba du Nigeria. Dans la pensée Yoruba du Nigéria, les orishas forment une variété d’esprits divins contrôlant les forces naturelles. Le centre du plateau, aarin opon, forme un tableau dans lequel la poussière du bois permet au prêtre-devin de tracer les solutions au problème de son client.

La frise externe reprend des scénettes mythologiques en relief, la conception yoruba de la vie, des allusions à la fertilité, etc.

Lors du processus de divination, afin d’invoquer les orishas et accompagner ses chants, le devin martèle le plateau avec un hochet sculpté en bois ou en ivoire.

Fétiche Téké chargé d’éléments magiques sur le ventre (Congo). Selon les Téké, la sagesse s’absorbait et se stockait dans l’estomac (Coll. privée, av. aut.)
Poupées fétiches Namji. Certaines poupées comme celle-ci permettaient aux chasseurs d’être protégées et de réussir leur chasse. (coll. Privée, av. aut.)

Nous avons rapidement évoqué les sorciers. On confond souvent à tord magicien et sorcier, deux personnages bien différents. Les Kissi, par exemple, distinguent le kuino, homme maléfique qui s’adonne à la mise à mort et à la manducation de ses victimes, et le wulumo voué à la chasse et à la neutralisation des kuino. Les Ashanti possèdent également les appelations suman pour désigner le « medecine-man » et bayifo pour désigner le sorcier. Ce dernier et la réalité dont il fait partie se rangent du côté du mal, de la nuit, de la destruction, de l’anti-social, alors que la magicien, lui, appartient au bien, à la lumière et au jour, à la construction, au social (2) .

Masque Toma ou Loma, Guinée ou Libéria (est. début XXe siècle)(référence 1, av. aut.)
Fon, Bénin, est. début XXe siècle (personnage Vaudou) (référence 1, av. aut.)

A propos des sorciers, on constate un certain nombre de constantes sur la presque totalité du continent africain : le sorcier se manifeste et agit surtout la nuit ; il existe une étroite relation entre la sorcellerie et la féminité ; le sorcier détruit généralement sa propre parenté ; il opère souvent au moyen d’une mutation de sa personnalité. Plus que toute autre créature, la femme est le plus intimement en rapport avec l' »obscurité » et la « nuit », car elle est la créature la plus mystérieuse et la plus insondable. C’est pourquoi elle est étroitement liée à la sorcellerie… Dans son ensemble, la femme « est » la terre, c’est à dire la matière inerte qui renferme la vie dans son sein et qui supporte tout ce qui est nécessaire à l’existence de l’homme. Elle « est » aussi l’eau, élément de la prolifération et de l’abondance… Son pouvoir de séduction et sa ruse font d’elle un être qui, à la fois, attire et inspire la crainte. Chez les Bambara, elle est la « sorcière » par excellence (2).

  1. d’après Alain Lecomte, Raoul Lehuard, Jacques Poulet. Objets Médecine Objets Rituels, Edition Lecomte, 2018.
  2. Dominique Zahan. Religion, spiritualité et pensée africaine (Petite bibliothèque Pavot ed., 1980)

Ancienne et importante statuette piquet vaudou d’envoûtement et de contrôle, possiblement liée à la fertilité, semblant porter une coiffure, et un petit pot de terre fixé à l’avant qui contenait des médecines recommandées par les féticheur, un important crâne à l’arrière. Un cadenas est fixé sur le côté qui permettait d’ouvrir et de fermer à volonté un vœu et un sort, mais dont l’accès a été finalement bloqué par un imposant attachement, le sort étant ainsi définitivement scellé. Fon, Bénin : Bois, corde, gourde, fourrure, cauris, tissu, argile, cadenas, patine sacrificielle.

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